Pourquoi est-il si difficile de réussir cette levée de fonds d'amorçage ?
La difficulté tient à la teneur particulière d'une levée de fonds d'amorçage : il s'agit d'une première levée de fonds significative qui intervient le plus souvent après un tour de "love money" (famille et amis) et/ou de business angels. Elle est généralement comprise dans la fourchette 200K€ - 1M€.
Les difficultés varient selon les objectifs de la levée (qui dépendent eux-même de la nature et de la maturité de startup) :
- Pour finaliser un produit technologique qui coûte cher à développer ou à produire. Il ne s'agit pas alors d'un service, ni d'un produit purement logiciel (sauf un logiciel extrêmement technique et complexe). Il s'agit plutôt d'un produit physique, de micro-électronique, de bio-technologie, etc. La levée de fonds est alors nécessaire pour finaliser le produit ou pour assurer sa production. Cette levée sera extrêmement difficile à réaliser car il reste à la fois un risque technique sur le développement ou la production du produit, et un risque marché : est-ce que des clients en nombre suffisant voudront acheter ce produit au tarif envisagé ? Il faudra apporter de sérieux arguments aux investisseurs sur ces points. Avant de se lancer dans cette levée de fonds délicate, il faudra s'assurer qu'on ne peut pas financer cette étapes par des aides publiques françaises ou européennes. Voire co-développer un premier produit avec des clients pilotes (ce qui peut d'ailleurs être le but d'une aide publique qui finance un consortium).
- Pour valider la traction marché d'un produit qu'on vient de lancer sur le marché (sans beaucoup de moyens), et pour lequel il est nécessaire de dépenser commercialement beaucoup d'argent pour réaliser un chiffre d'affaires significatif. C'est par exemple le cas d'une place de marché où il faut développer les deux parties offreurs et demandeurs pour que la valeur de l'offre existe, et plus généralement pour tout modèle d'entreprise dont les revenus se feront attendre assez longtemps (comme un modèle de revenu publicitaire demandant de construire l'audience). Il faut donc financer cet amorçage commercial. Il n'y a dans ce cas plus de risque technique mais il y a encore un fort risque marché. Il faudra donc montrer aux investisseurs que le modèle a toutes les chances de fonctionner : par exemple car il fonctionne tel-quel dans d'autres pays, ou sur d'autres produits ou services similaires. Même avec de tels arguments, cette levée de fonds sera délicate. Le CV des fondateurs, parrains, coachs ou sponsors seront alors fondamentaux. Egalement, la clarté du positionnement, l'analyse et la validation a priori des bénéfices clients et utilisateurs via des interviews pertinentes seront déterminants.
- Pour démontrer la rentabilité du modèle économique d'une offre qu'on a lancée sur le marché et qui réalise déjà un petit chiffre d'affaires (une centaine ou quelques centaines de milliers d'euros), où il s'agit de montrer alors qu'en dépensant davantage, on va obtenir plus de revenus et dépasser le point mort. C'est la situation que les investisseurs en amorçage préfèrent en général : plus de risque technique, une première preuve de traction marché qui tempère le risque marché, et des clients existants qui peuvent être interrogés sur la valeur de l'offre pour eux... Pour réussir cette levée, la clé est la présentation des bons indicateurs clés de performance (KPIs) qui permettent de démontrer la rentabilité du processus commercial (marketing et ventes), et notamment de calculer le coût moyen d'accès au client. Si les investisseurs ont confiance dans les paramètres qui leur sont fournis, et que le modèle s'avère "scalable" (passe à l'échelle en volume), alors la question portera que la taille du marché, les concurrents, les barrières à l'entrée, etc.
Dans tous les cas, une levée de fonds d'amorçage sera difficile à réussir pour plusieurs raisons :
- Par définition, il reste toujours un risque marché, particulièrement dans les deux premiers cas ci-dessus. Les investisseurs doivent en conséquence avoir une connaissance suffisante du marché et faire des due diligences approfondies pour se faire leur idée des chances de succès.
- Le montant à investir étant faible, ils auront du mal à récupérer un montant suffisant lors de la sortie pour rentabiliser leur investissement sur plusieurs années. Le risque étant grand, leur taux d'échec sera plus élevé, et leur TRI en pâtira.
- Il faut également qu'ils aient les moyens de suivre au premier tour (Série A) qui va suivre, voire au suivant, sous peine d'être très dilués et de perdre l'avantage d'avoir été le premier entrant. Tous ces paramètres comptent beaucoup dans leur calcul de TRI.
Pour ces raisons, il y a peu d'investisseurs en amorçage, et ils sont très sélectifs car il y a beaucoup de demandes. Pour se donner des chances de succès, la startup devra montrer tout ce qui est en son pouvoir pour "prouver" que son modèle va être (rapidement) rentable. Elle devra donc avoir :
- Autant que possible une preuve de concept technique : c'est à dire pouvoir montrer que même si son produit ou si son outil de production ne sont pas finalisés, que le risque technique n'existe plus, qu'elle sera capable de concevoir et de produire son offre au prix visé et à marge suffisante.
- Un minimum de preuve de concept marché. C'est à dire pouvoir montrer que son offre a un réel attrait pour une clientèle cible au prix de vente prévu, permettant une marge suffisante. Pour cela, il faudra idéalement avoir débuté la commercialisation de son offre et avoir identifié, grâce aux bons indicateurs de performance, ses paramètres de coûts et notamment le coût d'accès d'un nouveau client. Moins ces indicateurs seront validés par des chiffres constatés, plus les risques d'échec seront élevés.
Dans notre expérience, beaucoup des levées de fonds d'amorçages échouent car la startup s'y prend trop tôt : elle manque de preuve de concept marché. Il est préférable qu'elle minimise au maximum son burn-rate (ses dépenses mensuelles) pour tenir suffisamment longtemps pour recueillir les bons indicateurs de performance (KPIs).
Parmi ceux-ci, deux des plus fondamentaux sont le coût moyen d'accès au client et le panier moyen de vente (ou LTV : Life Time Value) que lui rapportera ce client. Armée d'une estimation raisonnablement argumentée de ces deux indicateurs et d'un aperçu de la taille du marché visé, la startup augmentera considérablement ses chances de réussir sa levée de fonds d'amorçage.
Minute publicitaire ;) : C'est notamment pour cette raison que le dernier sprint de notre programme d'accélération Launchtrack travaille en profondeur la construction et la validation des KPIs. Et c'est pour augmenter les chances de succès qu'un prochain programme Fundtrack est en gestation !